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M. François Autain, président. - Le Viagra n'est pas remboursé par la sécurité sociale.

M. Antoine Vial. - Oui, mais il s'agit d'un médicament de prescription, donc interdit à la publicité.

Là encore, la parole n'est pas portée par l'industrie elle-même, mais par les « agents de blanchiment ».

Ce que je viens de décrire n'est pas un cas isolé, et peut être appliqué à bon nombre des produits qui reçoivent une AMM à l'heure actuelle.

Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique :

- crée de nouvelles maladies de toutes pièces et étend les indications des produits, comme le fait n'importe quel industriel de n'importe quel secteur d'activité ;

- élargit les définitions des maladies : vous avez ainsi dû entendre parler du pré-diabète, du pré-cholestérol et de la pré-hypertension ;

- transforme les événements de la vie en maladies : le deuil, la vieillesse, le chagrin d'amour deviennent ainsi des maladies ;

- transforme les facteurs de risques réels en maladies, sans que l'on dispose de traitement opérant (ostéoporose) ;

- exagère une menace (exemples de la grippe H1N1 et de la maladie d'Alzheimer) ;

- aggrave un symptôme (c'est le cas de la spondylarthrite ankylosante et de la fibro-myalgie).

Afin que mon propos soit concret, je vais l'illustrer par la présentation d'une campagne. Je vais justement prendre l'exemple de la spondylarthrite ankylosante, qui est devenue Le mal de dos pour un laboratoire produisant un médicament, certes reconnu efficace contre certaines spondylarthrites (quoique pas toutes), mais certainement pas contre toutes les dorsalgies.

Pour vous faire prendre la mesure de cette campagne, je vais me mettre à la place d'un Français souffrant du dos, regardant la télévision l'an dernier au moment de la Coupe du Monde de football. Avant que ne commence le match, dans un spot de publicité, il entend Franck Leboeuf, ancien champion du monde de 1998, évoquer son mal de dos. Le spot s'achève pas une adresse Internet facilement mémorisable ; après le match, la personne se rend naturellement sur le site, dans lequel plusieurs rubriques sont proposées, sous forme de petits films.

Le premier se décompose de la façon suivante :

- témoignage d'une personne, qui fait apparaître que le médecin généraliste n'est pas compétent, et qu'il est préférable de consulter un rhumatologue ;

- mise en scène de l'aggravation du symptôme : « maladie fréquente : 0,5 % de la population va souffrir d'une spondylarthrite »

- mise en avant de la gravité du mal destinée à faire peur : « maladie grave : 10 % des maladies ont des formes handicapantes ».

Le spot sème le doute quant à l'efficacité des traitements classiques, en même temps qu'il met en avant une alternative grâce au progrès et à l'innovation.

Le second film met en scène un professeur et commence par une explication de ce qu'est une société savante, gage de sérieux. La société savante et le professeur jouent le rôle d'intermédiaires. Le professeur provient d'un CHU : l'image du monde hospitalier public est donc utilisée ici pour « vendre de la lessive ». Le grand professeur affirme : « 150 000 personnes seront atteintes en France » ; on étend l'indication aux jeunes ; les signes d'appel sont banals (mal de dos). Le mot «  spondylarthrite » a disparu ; l'expression « mal de dos » commence à être imposée.

Là encore, on remet en cause les traitements classiques : « les douleurs vont aussi être soulagées par certains antidouleurs, certains anti-inflammatoires, mais attention cela peut être un piège, car cela peut retarder la consultation, le diagnostic, et peut-être la mise en route de traitements beaucoup plus spécifiques. » Là encore, on fait peur aux malades. Puis on les rassure : « On dispose aujourd'hui de traitements particulièrement efficaces, avec lesquels on peut rendre une vie tout à fait normale à des sujets jeunes. »

M. François Autain, président. - Quel est le Professeur en question ?

M. Antoine Vial. - Il s'agit du professeur René-Marc Flipo, du CHU de Lille, secrétaire général de la société française de rhumatologie

 


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